LE MONDE | 13.05.08 | 15h24 • Mis à
jour le 13.05.08 | 15h24
Le travail américain avait initialement été présenté en
février, lors d'une rencontre scientifique, avant de faire l'objet d'une
publication dans la revue spécialisée Fertility and Sterility, sans que
cela suscite d'émotion particulière au sein de la communauté des biologistes de
la reproduction. Dirigés par Nikica Zaninovic, les chercheurs, qui travaillent
au sein de l'université Cornell de New York, ont eu recours aux techniques de
la thérapie génique. Développées depuis plusieurs décennies, celles-ci visent à
corriger certaines anomalies structurelles du génome humain. Il s'agit,
schématiquement, de greffer, au sein de certaines cellules cibles d'une
personne malade, des fragments d'information génétique afin de corriger les
effets pathologiques d'une mutation à l'origine d'une affection.
L'équipe américaine a mis au point sa méthode chez la souris avant de l'appliquer
à l'homme, en dehors de tout objectif thérapeutique direct. Cette expérience a
été menée sur un embryon humain conçu initialement dans le cadre d'un programme
de procréation médicalement assistée. Les chercheurs américains annoncent être
parvenus à intégrer au sein du génome de cet embryon humain, au moyen d'un
vecteur viral, un gène dirigeant la synthèse d'une protéine aux propriétés
fluorescentes. Le même objectif pourrait être atteint en modifiant artificiellement le
génome des cellules sexuelles, masculine ou féminine, avant de procéder à une
fécondation in vitro. Ce type d'expérimentation a d'ailleurs été réussi aux
Etats-Unis, à plusieurs reprises, en 2007, chez le poulet. DANGERS POTENTIELS Les chercheurs américains soutiennent que seuls de tels protocoles
expérimentaux sont de nature à faire progresser la biologie humaine
fondamentale et la compréhension des affections d'origine génétique. Ils ont
notamment d'ores et déjà réussi à obtenir des lignées de cellules souches à
partir d'embryons de souris transgéniques. A l'inverse, certains observateurs soulignent les dangers potentiels qu'il y
aurait à autoriser ce type de travaux sur des embryons humains. Ils font
valoir, en substance, que les techniques développées permettront bientôt non
seulement de corriger des anomalies génétiques mais aussi de modifier, à des
fins non thérapeutiques, les performances d'un organisme humain. De fait, rien
n'interdit d'imaginer que ces nouveaux outils moléculaires permettent, à terme,
d'améliorer certaines caractéristiques physiques ou cognitives des êtres
humains. En Grande-Bretagne, où la création d'embryons chimères
"homme-animal" est depuis peu autorisée, la Human Fertilisation and
Embryology Authority s'est saisie de cette nouvelle question tout en refusant,
pour l'heure, d'autoriser la modification génétique des cellules sexuelles
humaines. En France, l'Agence de biomédecine n'a encore pris aucune position
sur ces délicates questions éthiques. Jean-Yves Nau Article paru dans l'édition du 14.05.08.
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